Wes MONTGOMERY I LIVE IN PARIS I 27 Mars 1965

Mollement rebelle à toute forme d'autorité parentale, j'ai longtemps joué, avec mon vieux frère immature, au machiavélique jeu du « Chourave les disques à ton père tellement il kiffe que Brassens ».

Du haut de son baby-boomage, mon méta-daron, dans ses rares moments d'éloquence, croyait bon nous rappeler qu'il avait vu Coltrane en concert, lui (et bu un godet avec Alphonse Allais, pendant que tu y es ?). Le malheureux. A jamais frustré d'être né avec 30 ans de retard, je mis un point d'honneur mesquin à piller sans relâche la discographie afro-américaine paternelle. Le vice fut poussé jusqu'à lui offrir des disques méticuleusement choisis hors de son champ de conscience (Escalator Over The Hill ou n'importe quel Pharoah) pour mieux les ranger dans ma propre discothèque. Mais mon plus haut fait d'armes fut sans doute, sans le savoir, l'emprunt éternel de ce live de Wes. La classe humble, l'anti-Miles ?

Brancusien du riff instantané, conjuguant le groove le plus pur à la technique la plus flamboyante qui soit pour un connard de guitariste, il assure un découpage à la fois millimétré et instinctif du beat, au point que le moindre plan, motif, rupture ou silence aurait dû figurer au Billboard. Une classe telle que ses collègues, sidemen devant l'éternité, prennent soin, avec l'auditeur, d'admirer ébahis ce qu'ils viennent de subir. Une déclaration d'amour au viol consenti.

Daron multi-récidiviste, Wes introduit le thème prestement, comme papa dans papa, si vous préférez, avant que le temps suspende la douleur animale qu'étreindra après la première grille la malheureuse Gibson L5. Tenant à distance la Lucky Strike cendrée, le pouce d'ébène enivre le manche moite de ses caresses fessées, effleurées avec violence. La corne frotte, patiemment, les touches les plus fragiles tandis que les coups de reins incessants perforent la caisse creuse. Les ouïes clament inutilement leur innocence perdue. Les frettes implorent le pardon de leur maître. A quoi bon. Comateuse, vidée, la promise s'endort, heureuse, sur l'oreiller en satin souillé.

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