Sébastien TELLIER I L'INCROYABLE VERITE I 26 Mars 2001



Malheur à vous qui ignorez la Gobie. Bigos. Big, quoi. Enfin Stéphane, merde, faites pas semblant de ne pas comprendre.

Nous sommes Place de Clichy. Big y organisait il y a bien longtemps ses inoubliables soirées crado-audiophiles dans son nid d'amour Assedic, reprenant ainsi, à sa manière, le flambeau de son ennemi juré: l'improblable Senor "Paquito".

Tels en étaient les rites:

Arrivé sur le palier, vous prenez votre élan pour battre le record du triple saut sur Stan Smith/Converse All Star qui vous sépare du seuil de son antre. 
Poursuivant l'exégèse du 46ème épisode de Princesse SARAH, le gardien des lieux vous propose de vous accroupir sur une moquette acarienne, jonchée de 200 kg de vinyls savamment disposés, où vous attend, offerte, la spécialité locale: le combo magique "club-sandwich discount maison / Sangria à 1€".
Votre gorge asséchée par la cage d'escalier vous irrite ? Pas de problème. Excalibur, la mythique clef à molette, sera votre seule alliée pour ouvrir le robinet de la cuisine du Roi Arthur. A moins que vous préfériez l'eau chaude. 
Vous souhaitez du coup secouer l'asperge ? Les gonds imaginaires de la lunette ancestrale vous ouvrent l'entrée des abysses de la cuvette transpottienne.

Après 2-3 boutades de bon aloi et quelques nouvelles du front, Big, l'Erudit, entame sa quête. L'évangélisation de vos oreilles. Admirez le jonglage des galettes, toutes inaccessibles à l'auditeur lambda.

C'est dans ces conditions romancées que je découvris, en vynil, le vibrant hommage hexagonal d'un jeune francilien esseulé à ses onanismes musicaux d'outre-manche.

Par habitude et mauvaise foi, je jette un coup d'oeil froncé à l'ignoble pochette exagérement brandie par mon mentor du 18ème arrondissement. Un branleur qui revendique faussement que le Parrain 2 a changé sa vie. Une sortie vynil pour faire vintage. Big a beau tenter de magnifier le mystère en me jurant ignorer jusque l'état civil du gars dont le nom est pourtant buriné sur la jaquette, je sens le coup foireux. N'avais-je pas du subir le mois dernier, dans les mêmes circonstances, la torture de l'écoute en boucle (avec transcription à la folk désaccordée, forcément) de Mon P'tit Loup, "tellement la grille d'accords surpasse tout Brassens" ? Heureusement que je bosse pas le lendemain. Ni cette année, d'ailleurs. Par politesse et curiosité, j'accepte donc de mettre en sourdine mes craintes à la fois élitistes et justifiées.

Le moog du calembour introductif m'agresse en frontal. Faut que je boive. N'importe quoi. C'est l'endroit parfait. "Putain que c'est pompier, ton truc, Bigos", lachais-je vulgairement. J'aime bien donner mon avis au bout de 3 secondes. Mais je reconnais que c'est fatiguant pour les autres. Surtout quand c'est prématuré. "Ah tiens ? C'était mignon ce petit plan au piano à la fin", admettais-je conséquemment.

"Putain !" (Kazoo III). J'avoue, j'adore le kazoo. Mais alors quand on y colle en sus une wah-wyatt à l'unisson, je succombe. Le doute m'habite: "t'es vraiment sûr qu'il est french ton bonhomme ?". "Bah ouais, écoute le break". En effet, au cuter rouillé. Je le suspecte d'ailleurs de l'avoir voulu. "Parce que ce putain de thème, ca me ferait chier qu'il l'ait pas chouré dans les disques de son daron", acheva de décrire poétiquement mon désir naissant pour le rejeton kobaïen.

Le temps de jouer de la clef à molette, Universe passe. J'ai peur d'avoir entendu du Vocoder.

"Big ? Pourquoi t'as changé ? T'es lourd". L'enfance d'un Chien featuring Georges Jouvin, la trompette d'or.

Et si son truc c'était tout simplement l'humour Rock&Folk (Une vie de papa). Genre en mixant Mademoiselle Nobs avec Alifib, pour voir si on suit. Mais faut quand même reconnaître que c'est posé, que ça cherche, que ça pousse. Le petit bend, en douce, le thème sifflé doublé en chien, c'est assez proche de ce qu'on appelle la classe. A la fois, c'est vachement pudique, et en même temps, ça rend bien jaloux, enculé de sa race.

Bon, après, quand tu sais pas jouer du E.L.P. sans partoche (ce qui est loin d'être handicapant), t'évites ce genre de sketch (Fin chien). Et quand t'as pas écrit If, tu peux t'épargner de l'arpège pastoral (Grec). 
Pardon. Si tu veux, on commente pas les interludes.

"Tiens, il s'est acheté un ampli, ton ami velu ?" (Kissed By You). Tendant ses cordes reverbées à souhait, à un ongle de la rupture du mi aigu, l'écorché vif mais poli parvient, en profanant les errances fins 70's les plus discutables, à rendre expressif, ou en tout cas à nous faire croire son dévouement total à l'ultime défi adulescent: le solo de gratte qui gicle. C'est un peu subjectif, mais ça se relève. Je suis quand même inquiet pour sa carte son.

"Il est lourdement scotché sur le progressif anglais, ton ami". En même temps, quand t'as un mellotron, t'as pas vraiment le choix, Fantino. Du thérémine ? Argh ! Le salaud.

Une fois l'auditeur cueilli, l'opportuniste auteur caresse sans retenue le fan fraîchement lobotomisé, l'aguiche frénétiquement avec cette basse tellement Femme d'Argent, les touchantes tentatives topiennes en plus (Black Douleur).
Et puis comme ma femme aime, c'est cool. Mais comme elle préfère Etienne DAHO, c'est inquiétant aussi.

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