THE GRATEFUL DEAD l ANTHEM OF THE SUN l 18 Juillet 1968

 

Je m'appelle Ronald C. "Pigpen" McKernan. Je suis dead le 8 mars 1973.

Contrairement aux apparences, le LSD 25 n'a jamais été ma came.
L'introspection artificielle, pas besoin, j'ai toujours eu le blues.
Car la mort n'a pas de pitié, dans ce pays.

Aussi loin que mon foie se souvienne, j'étais en studio. A L.A. ou N.Y, je ne sais plus trop, nous n'étions pas aussi organisé que la Drug Enforcement Administration; c'étaient Jerry et Phil qui géraient, si je puis dire. Près d'un concert par jour, pas moyen de se repérer. Avec Dan et Tom, le nouvel ami de Phil, ils voulaient passer à autre chose, les deux taupes. Et sans doute me virer. Tomorrow Never Knows. Si je ne me trompe pas, je commence That's It For The Other One (avant ce plagieur de Miles à Wight, Call It Anything). La petite voix de Jerry me rassure. J'aligne le matos sur le pupitre. Harmonicas, woodsticks, vibraslap, et un échiquier pour m'occuper quand ils s'accordent. On commence à tricoter avec Bill, de retour de Magny-Cours, pendant que Mickey passe sa dixième dan. Phil a décidé de se consacrer au mix.

Et quand il enclenche les potards, Mickey surgit à côté de Bill. Un troupeau de yacks laboure les tapis du studio. Mon verre de Southern Comfort commence à vaciller. Je le fixe, j'y devine les traits de Pearl. Je ne sens plus que l'alcool dans mes veines. Mais y reste-t-il autre chose ? Je me retrouve sur la scène du Carousel Ballroom, quelques semaines plutôt, derrière la muse de Phil, Rosie, possédée par le beat parfait, qui tourne sur elle-même, menaçant de ses moulinets approximatifs le manche de Jerry. Je vide la bouteille de Thunderbird qui se remplit toute seule et commence à chialer en découvrant sous le mini-bar les restes de Tom, démembré, méconnaissable. Je veux le sauver mais les os s'effritent, jonchant le sol du Karaboudjan d'une délicate dentelle d'épluchure de rattes. Par peur de manquer, je saisis une forme ancestrale d'alembic, qui apaise et qui rend Phil magnifique malgré son physique. Les cordes de Jerry enlacent son corps chétif, thanks to the Bear. A l'autre bout de l'île, Bob le Pirate ordonne du bout de sa Jefferson Airplane que quelqu'un aille chercher la trompette de Sal Marquez. A glander sur le sable chaud du bayou, je souffle discrètement dans le kazoo qu'une touriste britannique, Miss (ex-Von) Clegg, vient de m'apporter, moi qui lui rappelait son fils. Tom, Phil, Bob, Bill, Mickey et Jerry, bien sûr, sortent du bain. Mountain Girl et Veronica amènent les serviettes quand surgit un varan cthulhien. Bill et Mickey tentent de l'affoler, toutes percussions dehors. Pour rattraper le pain de Phil, fébrile, j'harangue les poissons. Je me sens faible, je suis trempé, je sue sans fin le gallo bu depuis toujours. Sans compter la veille. De sa pagaie fatale, Jerry déchire les tempes du reptile, transformé en canoë. On se jette tous dans la Délivrance défilant les rapides jusqu'à l'escamotage de Phil. Les camisoles immaculées de nos corps lessivés flottent dans la piscine de la réserve d'Olompali. Je ne suis plus timide, je ne crains plus la foule, je m'y noie. Si bien qu'aujourd'hui je suis reconnaissant.

Et nous vous souhaitons bonne nuit.

8 commentaires:

  1. Fear and Loathing in San Francisco ?
    Intéressante cette théorie liant les créations du Dead à l'usage de produits spécifiques!
    (C'est quoi ça sur le clavier? Du Coke, eurkk... C'est plus grave que ce que je pensais.)
    Bravo.
    EWG

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  2. Scout Niblett, hier soir, elle aussi elle carburait au cocacola... Énervée, elle était.
    Superbe chronique... Je ne me souviens plus si j'ai écouté celui-ci ou pas... J'ai jamais aimé le cocacola.

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  3. Je suis encore béotien en ce qui concerne le Dead, mais c'est un choix très pertinent, il me semble !

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  4. Un groupe que j'explore actuellement, même si le déclic ne s'est pas encore fait vraiment ! Je suis peut-être plus fan de Jefferson Airplane...

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