Tim BUCKLEY l 1966


Entre nous, la recherche de la maturité n'est-elle pas la grande cause perdue du rock ? 

N'est-elle pas souvent la boursouflure de l'âme, la nécrose de l'instinct ? N'est-ce pas le stigmate le plus systématique de la caricature ? Le règne contestable de l'auto-satisfaction ? A quoi bon persévérer quand on a déjà tout dit, tout compris, quand le sang et la lymphe ne font qu'un, poils inclus ? 

Reconnaissons-le, les premiers jets sont souvent les manifestations les plus exemplaires du génie instinctif de nos héros inhumés. Mais à de rares occasions, il est vrai, le temps bonifie l'homme. Ou l'enfant, en l'occurrence.

Considérant l'apport incommensurable de Tim à nos mornes existences,  nous lui excuserons bien sûr ses bégaiements adolescents. Nous passerons ainsi sous silence son appétence à figer sa voix sur une polka théâtralisée (Strange Street Affair Under Blue) avant même d'avoir assisté à son premier carnival, pour se féliciter de ses automatismes oniriques pré-pubères encore timides (Song Of The Magician, Song Slowly Song). Qu'il nous présente son brouillon de Morning Glory (Wings) ne nous gêne pas plus que les arrangements banalement Byrds de sa chanson pour Jeanine. Qu'il ai cru utile de recruter un ersatz du Blues Project (Understand Your Man) ne nous atteint pas beaucoup plus. Et qu'un gigolo fasse la gueule, ça s'est déjà vu.

Mais qu'il ose introduire le métacarpe dans sa poche trop occupée à enserrer ses bourses imberbes que cache une veste pied-de-poule négligemment posée sur un pullover à jamais traumatisé du contact contre-nature avec le mur de crépi de la devanture du Jardiland de la RN6, c'en est trop. Son triste destin n'est qu'une revanche méritée de son affront originel.

Brigadier-Chef lemok, police du Bon Goût.

10 commentaires:

  1. Rha la maturité quand ça te tombe dessus!
    Enfin il paraît, moi même mes enfants me traitent d'ado attardé (mais je radote, j'l'ai racontée plein de fois celle-là).
    J'ai toujours évité le sieur Buckley, tout le monde le trouvait tellement parfait que ça me faisait flipper.
    Mais l'étau se resserre, va falloir que je m'y mette si celui-ci a des défauts. En tout cas après t'avoir lu je regarderai la pochette d'un œil différent...
    EWG

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  2. Je ne peux que t'ordonner d'écouter sur le champ le live Dream Letter (Hallucinations, Troubadour, Love from room109/Strange Feelin,...) avant de te coucher. Tu ne te réveilleras plus jamais.

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  3. Ah, si tu me prends par les sentiments ...

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  4. C'est vrai que je ne l'écoute pas souvent, celui-ci, pourtant j'adore les premières oeuvres, mais je retourne toujours vers "Goodbye and hello", "Starsailor" ou "Lorca"...

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  5. Je n'ai jamais pu trouver une ligne directrice dans les multiples expériences musicales de ce touche à tous les genres, il m'a souvent dérouté, mais j'ai le souvenir de nombreuses fulgurances. Un border line de mes goûts, ce qui est très agréable certains jours, incompréhensible d'autres. pour moi presque chacun de ses disques est un début, un peu comme Zappa dans un autre style, alors pourquoi pas l'envisager en chronologie ? J y retourne !

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  6. Le questionnement que tu poses en début de billet me semble particulièrement pertinent. Le rock, c'est la poussée d'hormone et d'adrénaline de jeunes êtres à la recherche d'eux-mêmes et pis c'est tout et c'est çà qui est magnifique !

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  7. Dans la famille Buckley, je préférerais le fils... Quoi? Ce n'est pas le jeu des 7 familles ici?... Ah désolé!

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  8. Je connais quelques titres de ce premier album...dans mon souvenir c'est très (trop) 60s!
    Normal j'avais pas vu la date!! :)

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  9. Je ne connais pas l'album, mais c'est toujours une excellente idée de parler de Tim Buckley. Bien joué donc ;)

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  10. Meuh non il est déjà très bien cet album ! Plus cadré c'est clair mais ce songwriting-là vaut bien plus que sa pose de minet sur cette cover qui a en effet de quoi en faire fuir plus d'un. Sincèrement et au risque de frôler l'hérésie je crois bien qu'il accrocherait mon top 3 du bonhomme.

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